Réflexion : quand le bourreau est la victime.
Extrait d'une lettre écrite à un ami.
J'ai toujours pensé qu'il était plus facile pour l'opprimé de se
libérer de sa situation de victime en refusant que soient répétés les
abus, en se positionnant hors de prise de tout bourreau, et en
pardonnant à celui qui l'a offensé, qu'il ne l'est pour l'oppresseur
d'assumer ses erreurs, reconnaitre la douleur de celui qu'il a offensé,
se remettre en question, mettre fin à sa position confortable de
domination, et se pardonner à lui-même pour sortir du rapport de force
et d'exploitation dans lequel il a trop longtemps grandi. C'est la
force de l'esclave sur la maître, si bien expliqué par la théorie de la
dialectique du maître et de l'esclave de Hegel.
Mais c'est aussi la conclusion que je tire de ma douloureuse expérience
de viol, programmée depuis longtemps pour être victime, dans mon
rapport sans limite à autrui, et vulnérable au désir de l'autre plus
que sensible au respect de moi-même, à ma dignité la plus intime. La
violence de l'agression permet à la victime de changer, comprendre,
grandir (même si elle peut aussi rester sur le trauma et ne jamais le
dépasser, le reproduire et le transmettre), alors que l'agresseur peut
ne jamais se rendre compte du mal qu'il a fait, parce qu'il n'en
souffre pas... au contraire, sa violence est souvent l'expression
défensive des traumas qu'il a lui-même subit et n'a pas su dépasser.
Mais là je m'éloigne un peu du point de départ qui était la
colonisation. Ceci-dit, je pense que ce genre de comparaison entre
l'échelle socio-historique (le comportement inconscient du collectif)
avec l'échelle psychologique humaine de l'individu, est presque
toujours valable pour comprendre les mécanismes de l'humanité, ou
plutôt ses dysfonctionnement.
Voili, voilou.