A bas le travail ! Vive le travail !
Le paradoxe ultime des sociétés occidentalisées, ou plutôt, vu qu'il est de plus en plus difficile de situer les choses géographiquement pour catégoriser ou classifier les pays où le mode de vie et les valeurs se cristallisent peu à peu autour du système ultra-libéral... disons, des sociétés "ultra-libéralisées"; le paradoxe de ces sociétés, c'est que la plupart d'entre nous avons au fond de notre douce et pure nature humaine, encline à la paix et au bonheur, le germe de l'idée qu'il y a un binz, un truc qui ne tourne pas rond, et comme ont osé l'énoncer les situationnistes, nous savons tous que dans le fond nous aimerions obéir à leur mot d'ordre : "Ne travaillez jamais !", afin d'accomplir l'idéal naturel « Vivre sans temps mort et jouir sans entrave ». Au lieu de cela, nous acceptons la violence qui est faite à notre nature, parce que de cet enjeu économique et social dépend notre survie biologique, et que notre apprentissage spirituel n'est pas encore suffisamment accompli pour que nous puissions nous libérer de cette mécanique mercantiliste implacable et coercitive (j'ai appris un nouveau mot). Alors voilà. Je passe 13 jours complets à me faire chier, m'ennuyer,... quand le travail et des occupations obligatoires m'auraient permis d'oublier ma solitude, et la frustration que je ressentais de ne pas pouvoir vivre mon idéal pour l'instant : rester vivre là-haut dans la montagne à 3800 mètres d'altitude et en totale autarcie. Je me morfonds dans cet état tout en regardant des films anarchistes (Pierre Carles, Attention Danger Travail) et anti-impérialisme-états-uniens qui dénoncent le contrôle de la pensée et des désirs des citoyens dans les sociétés "dites" démocratiques au moyen des médias (film documentaire de 3h30 sur Noam Chomsky, La Fabrication du Consentement). Mon esprit s'éveille, trouve du réconfort à travers le discours de ces hommes qui me touche, me concerne et auquel j'adhère... Et paradoxalement, inéluctablement, lundi 5 janvier 2009, je reprends le travail : je passe ma journée à donner des cours particuliers... et putain ! c'est trop bon ! j'aime ça !!! Quelle libération d'avoir enfin quelque chose à faire plutôt que de penser ! Quel plaisir de travailler sans en avoir l'air ! Quel soulagement de faire enfin entrer des sous dans les caisses après ces deux semaines de disette !!! Je trouve même l'énergie pour faire et finir le ménage de la maison que j'avais un peu négligé ces derniers temps, déprime obligé, et je nettoie de fond en comble le moindre recoin du frigo, du four, de la salle de bain... même la poubelle est passée à la javel ! Le carrelage brille, la vaisselle est faite et rangée, le frigo est vide mais au moins il est blanc ! Et cette odeur de javel dans l'air... Hmmmm... qu'est-ce qu'on est con quand on a été, malgré soi, et malgré tous les efforts de nos parents pour nous préserver des facteurs majeurs de conditionnement (à commencer par l'école publique et de masse), malgré tout bien conditionné à réagir en parfaite ménagère, ou en parfaite travailleuse, contente d'aller à la mine pour ramener des sous-sous, et qui prétend y prendre du plaisir... alors que les seules véritables raisons à cette satisfaction apparente et temporaire sont, d'une part la nécessité de rapports et de liens sociaux (mettre fin à l'insupportable solitude), illusoirement compensé par une activité sociale, le travail... et d'autre part, l'encore plus illusoire sensation d'avoir accompli quelque chose en faisant le ménage (donner un sens à une existence ordinaire), l'ordre et la propreté de l'environnement tentant de se refléter dans notre état intérieur par un jeu de mauvaise foi de notre inconscient. Maintenant, la viabilité de ces illusions ne repose que sur une explication : la dépendance irréversible de tout individu à l'argent pour assurer sa survie dans ce monde, où la survie n'est plus tout à fait quelque chose de naturel, mais a été détournée à des fins moralement inavouables, l'exploitation e la plupart par certains, sans même que ces derniers, tout simplement nés dans des circonstances favorables, aient eu besoin d'y mettre une intention de dominer. Alors voilà, je travaille pour oublier... Et je me réjouis même, quand l'Alliance Française me téléphone pour me demander de reprendre les cours une semaine plus tôt que la réouverture normale de l'Alliance, et qu'ils me demandent mes disponibilités pour ouvrir un nouveau groupe...
Voili, voilou.