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Qui m'aime me suive...
11 mars 2008

La vie dans une telenovela.

Je vis un peu déconnectée du monde. Je ne sais pas ce qui se passe sur Terre en dehors de mon champs de perception sensoriel direct, c'est à dire pas grand chose en superficie de cette planète, surtout quand je suis dans ma salle de classe ou dans ma chambre chez moi. Et les colombiens que je fréquente : profs qui même s'ils gagnent très mal leur vie en comparaison avec les profs étrangers, la gagnent mieux que la majorité de la population colombienne; élèves qui ne savent pas, et qui ne sauront peut être jamais ce que c'est que de manquer de quelque chose, de matériel bien sur, parce que de vrai amour, de vraie écoute, de vrais idéaux, de vrais rêves... pour la plupart, ce sont des concepts abstraits, vu le milieu dans lequel ils grandissent...; et les chauffeur de taxi,... ne jamais négliger le potentiel d'apprentissage culturel au contact des chauffeur des taxis : ils parlent beaucoup, posent des questions, et je prends beaucoup de taxis ! Bref, à part ces trois fanges de la population colombienne, je vis dans une bulle, au gré des rumeurs, publiées par la presse, et répétées, déformées, amplifiées par les "on dit" de ces trois populations (représentatives ? permettez moi d'en douter).
DSC_2589Et il faut dire qu'ici les gens ont été tellement traumatisés par les violences qu'ils ont subit ces dernières décennies qu'ils dramatisent pour un rien. Ce pays vit dans une confusion idéologique totale. En plus nous sommes dans le pays de la télévision reine (comme au Brésil, mais dans d'autres circonstances politiques).
La semaine dernière par exemple "tout le monde" disait qu'il allait il y avoir une guerre mondiale entre le Vénézuela, la Colombie et l'Equateur... et peut-être même le Nicaragua qui revendique le territoire de San Andres et Providencia, deux îles de la Caraïbe qui appartiennent à la Colombie mais sont plus proche des côtes maritimes niacarguéiennes.
Ce qui s'est passé c'est que l'armée colombienne a abattu un chef des FARC sur le territoire équatorien, que la Colombie ne s'en est pas diplomatiquement excusé, au contraire, que Chavez, qui met son grain de sel dans les négociations avec les FARC pour d'éventuelles libérations depuis plusieurs mois, a mobilisé des chars de guerre à la frontière. Le président équatorien a demandé des excuses et l'intervention de l'ONU, Uribe le président colombien a fait la sourde oreille.
Des rumeurs courent en Colombie comme quoi Chavez et le président équatorien souiendraient les FARC... Au bout de trois jours de spéculations sur une éventuelle guerre, de vexations et de déclarations emportées des deux partis opposés (Chavez et Uribe, deux fortes personnalités mais qui n'ont pas les même intérêts économiques et idéologiques), ces messieurs se sont serrés la main comme si de rien n'était.
Sans doute que le Roi des Cons (George W. Bush Jr) a téléphoné à son seul protégé en Amérique du Sud (seul pays conservateur, et traditionnellement conservateur) : Uribe, et qu'il lui a dit quelque chose dans le genre : "Déconne pas, j'ai déjà perdu toute crédibilité avec une guerre au Moyen Orient dont je n'arrive pas à me dépêtrer. Ma côte de popularité est à zéro. Pas question que je remette ça pour te sauver la mise. Démerde-toi avec ta merde de guérilla, et file doux avec ton voisin coco... Il a du pétrole et je voudrais que mes pions soient bien placés quand les USA attaqueront le Vénézuela.  Sinon ta cocaïne, je te l'achète plus..."
Je vous rappelle que les USA consomme la très grande majorité de la production de cocaïne mondiale, et que si tout ceci ne s'arrête pas, ce pays puissamment armé doit forcément y avoir un intérêt.
flag1En tout cas, ici je suis au pays des passions : le moindre incident est monté en épingle et donne lieu aux scénarios les plus abracadrants. Ils vivent tous dans une télénovela. Il faut romancer les choses, voir les rendre tragiques quand elles ne le sont pas. Aucun sang froid. Le sang est chaud ici. Et même le président, dont on pourait espérer des réactions rassurantes, pacificatrices, est le premier à prendre la mouche et mettre le feu aux poudre.
Sans compter que la majorité de la population soutien ce président, qui est tout sauf ce qu'il faut à la Colombie pour réconcilier ce pays et sortir de la guérilla, puisqu'il est impliqué personnellement dans ce conflit armé (son père a été assassiné par la guérilla et c'est suite à cela que se sont organisé et ont gagné en puissance les paramilitaires, qui sont responsables d'autant d'exactions contre la population que la guérilla, mais dont on ne parle jamais ici).
Et soutenir ce président susceptible, juge et parti contre la guérilla et pour les paramilitaires, qui refuse toute négociation, qui traite les guérilleros de menteurs (comme dans une cour de récréation... voilà le discours que l'on attend d'un chef d'état), qui croit qu'il va se débarrasser de la violence en Colombie par la force et sans traiter le problème de fond, plus qu'il n'est réellement pour le rétablissement de la paix dans ce pays, cela revient à traiter le problème en superficie (la violence évidente) sans se remettre en question sur les causes profondes de ce mal : pourquoi la guérilla est-elle né en Colombie, si ce n'est au départ, pour des raisons idéologiques justifiées qui n'ont jamais été entendues ? Il y a ici des gens très pauvres, des gens qui crèvent la dalle, pendant que d'autres s'enrichissent, comme partout ailleurs bien sure, et un gouvernement qui soutient les riches, et ne fait pas grand chose pour réduire les inégalités, depuis toujours. A quel moment ces revendications ont-elle été prises en compte ?
Alors bien sure, le hic, c'est que entre temps, la guérilla s'essoufflant et manquant de moyens pour survivre dans cette lutte qui s'éternise, a vendu son âme au diable, les narcotrafiquants, en  acceptant d'être financée par ces derniers, en échange de service de police et de terreur dans les campagnes, commettant des crimes impardonnables contre la population, ou s'adonnant aux séquestrations pour financer leur lutte, même quand ils en ont oublié la cause, l'origine...
Mais ça, je n'ai rencontré qu'un seul colombien pour me l'expliquer et le reconnaître, un architecte du nom de Javier que j'ai rencontré au Lago Calima, à deux heures de Cali. Les autres se voilent la face et préfèrent répéter des discours consensuels et politiquement correct du genre : "la guerre c'est pas bien, la violence c'est pas bien, la guérilla c'est pas bien". Sans se poser les vraies questions. Avec des discours simplistes, qui assimilent les parties en présence à des bons ou des méchants, de façon manichéenne, sans permettre que chacune reconnaisse ses torts. C'était un peu le discours de la marche qui a eu lieu lundi 4 février 2008 un peu partout en Colombie et dont le message est non pas résumé (parce qu'il ne va pas plus loin que ces quelques mots), mais intégralement retranscrit sur le drapeau colombien en image un peu plus haut... C'est dire.
Et puis il y a dans ce pays une classe moyenne encore assez importante qui empêche que ne s'exprime des revendications populaires légitimes. Alors tout le monde regarde avec envie cette classe moyenne, qui vit dans une télénovela perpétuelle, et qui s'exhibe à la télévision. Tout le monde voit à travers elle la réussite à l'occidentale, et voilà, vous obtenez un peuple obéissant, soumis, serviable à s'en couper les veines pour un étranger, même le plus méprisable. Siempre a la orden, para servirle. L'amabilité perpétuelle qui énerve.
Le problème de ce pays ce ne sont pas les FARC ou la guérilla en général. C'est la pauvreté, le mépris par ignorance des gouvernements conservateurs pour les problèmes d'inégalités sociales et économiques, et bien sûre, les narcotrafiquants. Elle est la violence, sa source.

Voili, voilou.

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Commentaires
F
Salut Cha',<br /> <br /> Enfin, ton retour! Je suis très heureuse de te lire.<br /> Et te remercie pour ces tableaux, ces scènes de vie sur ce continent si lointain.<br /> <br /> Par rapport à ce que tu dis des Colombiens : est-ce bien "L'amabilité perpétuelle qui énerve." ou bien la servilité qui énerve?<br /> <br /> Au bled aussi, l'art du larbinisme m'énerve aussi.<br /> <br /> C'est clair, il y aura toujours un fond de colonialisme dans l'air.<br /> <br /> Bi-bis.
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